Bien plus intéressante, sauvage et esthétique, la Hohlaubgrat ou Arête NE permet d'éviter la foule de la voie normale. Ce sommet est notre 14e 4000.

Pour terminer (probablement) en beauté cette saison 2006 durant laquelle nous avons peu été en altitude, nous avons choisi une destination inconnue pour nous, puisque nous nous rendons à Saas-Fee, dans le Valais. Cette vallée, à l'est de celle de Zermatt, est entourée de pas moins de 10 sommets de plus de 4000m. Devant l'embarras du choix, nous en avons choisi un dont la montée en cabane est réduite, et la descente facilitée par le Metro Alpin. Il ne faut en effet pas oublier qu'il y aura ensuite 3h de voiture pour regagner Genève. L'Allalinhorn sera donc notre 14e 4000. Nous allons gravir la Hohlaubgrat, beaucoup plus intéressante que la voie normale, surfréquentée au départ du Metro Alpin.

Itinéraire: de la station de téléphérique Felskinn (2989m), suivre les indications et le balisage (direction est) pour rejoindre la Britannia Hütte (3030m, 1h).
De la cabane, un chemin bien marqué mène sur le glacier, le Hohlaub Gletscher (2960m env.). Rester en rive gauche (crevasses) puis traverser le glacier dans une cuvette pour viser les rochers descendant de l'arête vers 3060m. Contourner une petite falaise par la droite puis revenir un peu sur la gauche (sous le point 3337) et remonter la langue de neige, parsemée de rochers, jusqu'à une petite calotte (3544m). Une courte descente dans des rochers permet de remonter ensuite l'arête, assez raide (35°). Celle-ci devient horizontale puis se raidit à nouveau jusqu'à la barre de rochers. La gravir (II, nombreux points d'assurage, balisage) puis retrouver la neige. On contourne par la droite le sommet E puis on rejoint l'arête menant au sommet W (4h30).
Pour la descente, revenir en arrière sur l'arête sur 30m, puis plonger plein sud dans une pente caillouteuse, puis neigeuse. Tirer à droite pour rejoindre le Feejoch (3826m). Contourner les séracs de la face nord par la gauche puis revenir à droite en direction des pistes. Rejoindre le Metro Alpin (1h15).

Rejoindre la cabane ne nous a pas pris trop de temps, alors nous profitons pour aller jeter un coup d'oeil au chemin d'accès pour le glacier. Nous montons ensuite sur le Klein Allalin, petit sommet juste au-dessus de la cabane. C'est un belvédère idéal pour étudier l'itinéraire du lendemain. La trace est bien visible, jusqu'en haut. Nous lézardons ensuite jusqu'à 17h. Repas à 19h, Alain ne se sent pas bien, mélange de fatigue et d'appréhension, sans doute. Heureusement, la nuit sera réparatrice, entre autres grâce aux duvets qui équipent les dortoirs.

Réveil 3h45, petit-déjeûner 4h00, nous partons à 4h30. Nous avons demandé à partir 1h plus tôt que l'heure normale, des nuages étant annoncés pour la mi-journée (mon oeil !). Une lune gibeuse nous éclaire, le spectacle est magnifique ! Nous nous trouvons rapidement sur la glacier et commençons à le remonter. Nous retrouvons ensuite la trace aperçue hier et contournons les rochers vers l'altitude 3100m. Nous entendons le glacier craquer, et la glace de surface parfois claquer lorsque nous posons le pied ! Dans le noir, c'est un peu flippant ! Nous retrouvons ensuite la neige et la progression devient plus régulière et aisée. La lune est à présent juste au-dessus du sommet, nous guidant ainsi jusqu'au lever du jour. La trace, bien marquée, passe à proximité de belles crevasses, nous rappelant qu'il faut être vigilant.

A 7h00, alors que nous approchons de la calotte 3544, le soleil se lève, faisant rosir les sommets alentours. Ce moment de magie est très bref, nous essayons d'en profiter au maximum. Nous descendons ensuite quelques mètres avant d'attaquer une pente plus raide, qui mène vers le point 3837. Le pas se fait régulier, toujours, imperceptiblement plus lent. Maud, devant, impose le "pas du guide" ! Au sommet de cette pente, vers 3800m, nous découvrons enfin le Strahlorn et le Rimpfischhorn, et plus loin les 4000 de Zermatt. Quel spectacle ! Nous faisons une 2e pause, afin de conserver nos forces et de manger quelque chose. L'ascension n'est pas terminée ! Alain prend le relais devant, et rejoint le dernier passage raide, qui mène au pied des rochers. Les jambes se font lourdes, le rythme ralenti encore un peu, mais le pas est toujours régulier, c'est le secret ! Nous atteignons enfin ces rochers, c'est la dernière difficulté. Alain part devant, avec force râles: la grimpe à 4000 c'est sportif !! Il trouve rapidement des points d'assurage scellés dans la roche. Maud part 10 m derrière, à corde tendue. Rien de difficile, il y a même des flèches peintes en bleu, mais la roche est peu friable. Avec les crampons aux pieds, il faut faire attention, et ne rien envoyer sur les cordées au-dessous. Il nous faudra reprendre notre souffle pendant quelques minutes une fois au-dessus des rochers. Il ne reste plus qu'à rejoindre l'arête entre les deux sommets, puis de grimper vers la croix: Altitude 4027, il est 9h00 !!

Nous savourons notre plaisir et restons une 1/2 h au sommet. Le vent est faible et il fait chaud. Le spectacle est à la hauteur, des sommets aux noms prestigieux nous entourent: la chaînes des Mischabel, les 4000 de Zermatt, les hauts sommets du Valais, le Mont Blanc... Nous sommes les premiers en haut de l'Allalinaujourd'hui, et apprécions d'être seuls ! Nous savons en effet que cela ne va pas durer...

Nous repartons à 9h30 par la voie normale, croisant au passage de nombreuses cordées venant du Metro Alpin. Puis nous rejoignons les pistes, brusque et désagréable rappel que la "civilisation" est montée jusque-là. Le passage le plus dangereux de la journée sera sans contexte la traversée des pistes gelées, sans crampons ! Nous nous retrouvons tous les deux sur les fesses, sous le regard amusé des skieurs s'entraînant ici ! Nous atteignons le Metro Alpin, profitant malgré tout des "bienfaits" de la technologie moderne pour rejoindre la vallée.

Le regard encore perdu là-haut, des étoiles pleins les yeux, nous finissons la descente en télécabine jusqu'à Saas-Fee. Week-end merveilleusement réussi, nous rentrons comblés !